COLONEL MOHAMED MELLOUKI
L’AFFAIRE MOULAY BOUAZZA,
UN EXEMPLE DE L’UTOPIE RÉVOLUTIONNAIRE
:
L’affaire Mly Bouazza remonte à trente
neuf ans. Elle a été l’un des épisodes marquants dans le règne de Hassan II. Conçue
comme une vaste insurrection armée, qui devrait en quelque sorte rééditer les
événements du Rif, en 1959, elle a, cependant, fait long feu au plan tactique, à
cause d’un déclenchement mal coordonné, et s’est, finalement, soldée par
quelques pertes humaines sur le terrain opérationnel et, par la suite, au plan
pénal par des peines graves dont certaines capitales. De temps à autre, la Presse en reparle pour une
occasion ou une autre. Le journal Al Ousboue est revenu, pour la énième fois, sur
le sujet dans son numéro du 22/3/2012. M. Mohamed Bennouna, le fils d’un des
principaux acteurs de la cabale, lui a consacré le livre ‘ Héros sans gloire’. N’ayant
pas eu l’occasion de lire cet ouvrage, j’ignore s’il contient ou non les
informations dont je fais état ci-après, et que nul écrit, à mon avis, n’a
soulevées jusqu’à présent. Je commandais, à l’époque, la Compagnie de la Gendarmerie royale de Beni -Mellal. Dans la nuit du 2 au 3 mars 1973, je me
trouvais, en compagnie des autorités et
notabilités locales, à Azilal où le Gouverneur présidait aux festivités
traditionnelles à l’occasion de la fête du Trône. À l’extérieur l’assistance
s’évaluait à quelques deux mille personnes. Quelque peu au-delà de minuit, je
reçus, par radio, la nouvelle de l’attaque contre l’Annexe de Mly Bouazza, et
l’ordre de m’y rendre de toute urgence avec les éléments dont je pouvais
disposer à ce moment. Cette localité ne relevait pas de mon ressort mais du
Commandement limitrophe de Khouribga. J’y ai trouvé d’autres collègues qui y
avaient rappliqué, eux aussi, sur ordre. Le déplacement dura pratiquement le
temps d’un aller-retour, juste pour recevoir, de vive voix, un premier briefing
de la part des officiers supérieurs qui y ont débarqué, en provenance de la Capitale. Ils
n’avaient encore, à ce moment, aucune idée précise sur les tenants et
aboutissants de l’attaque ; et a priori ils ne lui suspectaient aucun aspect
politique, parce que la localité ne connaissait aucun fait, hors de la vie
quotidienne routinière, qui eût pu l’élever subitement à un rang stratégique. Donc
la première réaction officielle tendait, cette nuit-là, surtout à animer un esprit de vigilance et de collaboration
dans un cadre classique d’investigations judiciaires enclenchées habituellement
en pareille circonstance. Ce n’est que quelques jours après qu’il apparut que
le centre de gravité de l’affaire se situait à des centaines de kilomètres plus
au sud, précisément à Rachidia où ont été signalés des individus suspectés de
venir de l’Algérie. Certains d’entre eux
purent repasser la frontière aussitôt l’alerte donnée ; d’autres pris au
dépourvu par le déploiement sécuritaire ont, plutôt, préféré fuir en direction
d’Imilchine, avant de se disloquer et de s’évanouir dans l’Atlas. Une vaste
opération de bouclage de la zone fut entreprise par les forces de l’ordre. Des
ratissages, perquisitions, barrages, enquêtes
et autres mesures allaient y ponctuer la vie durant cinq mois. À la suite de
quoi, au cours d’un des interrogatoires auxquels j’avais procédé, deux
subversifs me firent une révélation qui éclaira les dessous de l’attaque de Mly
Bouazza. Cette dernière n’était pas un acte isolé et avait, en fait, constitué
une sorte de grain de sable qui avait fait capoter un scénario d’enfer visant à
embraser, dans la nuit du 2 au 3 mars, tout le polygone territorial compris
entre Rachidia, Ouarzazate, Tinghir, Demnat
et Mly Bouazza. À minuit précise des postes administratifs de toutes natures
devraient sauter, simultanément, dans cinquante localités, parmi elles Azilal. La
stratégie consistait à provoquer une panique au niveau du Pouvoir qui réagirait
par l’envoi massif de troupes dans la zone concernée. Cette perspective devrait
occuper le gros de l’Armée en montagne, entraîner,
du fait, un allègement des effectifs militaires en garnison dans les villes, et
augmenter les chances de réussite du deuxième acte de la stratégie, celui d’une
subversion urbaine dont les réseaux avaient été, préalablement, mis en place
dans les principales villes et n’attendaient que le déclenchement du signal
pour passer à une série d’ exécutions physiques et actes de sabotage de
diverses natures, dont certains contre des lieux regroupant généralement de
grandes foules tels que les cinémas et théâtres. Ainsi, le Pouvoir se serait
trouvé confronté à une double subversion qu’il aurait eu des difficultés à
maîtriser. Celle-ci aurait, du coup, encouragé le peuple à se soulever. Quarante
neuf cellules reçurent, dans la journée du 2 mars, l’ordre de reporter
l’attaque d’une semaine, exactement au dix du même mois ; sauf celle en charge
de Mly Bouazza qui, pour une quelconque raison, n’avait pu être contactée à
temps et s’en était tenue au plan initial. En agissant, donc, seule, elle a
limité les dégâts et causé l’échec d’une opération qui devrait être autrement
meurtrière. Les villes ne se sont pas soulevées, la population rurale s’est
solidarisée avec l’Etat, en collaborant sérieusement à la traque des fugitifs
et à leur encerclement dans plusieurs cas, et l’Armée a utilisé la tactique de
la contre guérilla, en privilégiant l’emploi de petites unités, dites ‘ chocs’,
d’une cinquantaine d’hommes chacune, mieux manoeuvrables en l’occurrence. Bon nombre de subversifs impliqués avaient
émigré auparavant à cause des difficultés d’existence ou en raison d’injustices,
vexations et exactions dont ils avaient souffert de la part des autorités
administratives. Les circonstances des uns et des autres ont fait qu’ils
s’étaient retrouvés, en fin de pérégrination à travers l’Algérie et la Libye , en Syrie dans les
rangs palestiniens, et impliqués, plus tard, dans les sanglants évènements de
Septembre noir, contre le régime jordanien. La débandade qui s’en est suivie
eut sur eux un effet traumatisant et va faire d’eux les précurseurs des
‘Afghans arabes’. Ils savaient qu’en raison de la similitude des régimes
marocain et jordanien, ils étaient condamnés d’avance à devenir des parias
s’ils s’aventuraient à revenir au pays. Moins d’un an plus tard, le monarque
Hachémite faisait spécialement le voyage Amman-Rabat pour conforter son cousin
après le coup de Skhirat, et assister à l’exécution des conjurés. À l’étranger,
il ne s’offrait dès lors pour eux que le statut d’apatrides. Fquih Basri et son
‘Organisation’ se trouvaient sur leur passage tant à l’aller qu’au retour. Ils
tenaient, là, l’occasion psychologique et le potentiel humain dont ils ne
pouvaient rêver pour leur entreprise. Ils croyaient, ou faisaient croire, que
le régime marocain était populairement honni et militairement chancelant, traversé
par une méfiance entre le Roi et l’Armée depuis qu’à la suite des deux
tentatives de putshs de Medbouh et Oufkir, Hassan II avait fait stocker les munitions
des FAR sous la supervision du Ministère de l’Intérieur et de la Gendarmerie. Pure
utopie révolutionnaire qui faillit déboucher sur une tragédie nationale. Elle a,
surtout, braqué à mort le Pouvoir contre l’Opposition, lui a permis de laminer celle-ci sur vingt
ans et plomber, un peu plus, sur la même période, la vie nationale.
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عاش الوطن عاليا و
الشعب أبيا والملك بانيا
ذ محمد
كوحلال ’’مراكش تايمز’’ منبر لمن لا منبر له, و صوت لمن لا صوت له, موقع
الدراويش.
كاتب مدون و ناشط حقوقي مستقل, ولد الشعب 00212663575438
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